19/03/2011
HOMMES/FEMMES : « A TRAVAIL EGAL, SALAIRE EGAL ? »
PREAMBULE : DU DROIT DES FEMMES A AVOIR UN SALAIRE EGAL A CELUI DES HOMMES.
Le Droit Communautaire Européen est à l’origine de plusieurs textes définissant le principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes dans le Monde du Travail. Cependant la réalité de terrain est très éloignée des bonnes intentions du Législateur. Pour s’en convaincre, l’Article 119 du Traité de Rome, signé le 25 mars 1957, est loin d’être appliqué, à savoir : « Chaque État membre assure (…) et maintient (…) l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins pour un même travail. Par rémunération il faut entendre, au sens du présent article, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tache soit établie sur la base d'une même unité de mesure, b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail. » Cette grande avancée sociale est confortée notamment par l’Article 141 du même Traité, la Charte Sociale du Conseil de l’Europe de 1961 en son article 4, alinéa 2, sur les dispositions relatives au droit de rémunération équitable, et par plusieurs Directives Européennes confirmant ce principe, dont les plus importantes sont référencées : 75/117/CEE, 2002/73/CE, 76/207/CEE et 2006/54/CE.
Ces grands textes n’auraient jamais pu voir le jour si des femmes (et des hommes aussi) ne s’étaient pas battues, afin de faire valoir ces Droits fondamentaux (pas encore totalement appliqués). Et si on regarde de plus près l’Histoire du Monde, de l’Europe et de ses peuples, du Royaume-Uni plus particulièrement, on se confirme que ce combat pour l’égalité salariale des hommes et des femmes a été, et est encore, une véritable lutte sociale ne se déroulant pas sans peine, pour un sexe pas si faible que cela… quand il s’agit de faire valoir ses Droits légitimes…
LA FEMME EST UN ETRE HUMAIN COMME LES AUTRES. MESSIEURS, ACCEPTEZ-LE !
Le 8 mars 2011, nous rappelle que la Journée Internationale de la Femme a fêté ses 101 ans, sans que rien ou presque n'ait changé pour nos courageuses Compagnes... Mais remontons le temps, toujours en Grande-Bretagne… En 1865, le Royaume-Uni accorde le Droit de vote aux femmes pour les élections locales. En 1918, la Grande-Bretagne (encore elle), mais aussi la Suède, l'Allemagne, la Russie soviétique et la Pologne instaurent le vote des femmes au niveau national. En France, il faudra attendre une Ordonnance de 1944 du Général de Gaulle (décidément le Pays des Droits de « l’Homme » ne donne pas l’exemple !)… Enfin en 1970, le Royaume-Uni instaure la notion « à travail égal, salaire égal » dans la législation britannique, se rappelant certainement que pendant que les hommes étaient au Front (ils n’avaient certes pas la meilleure place), durant les deux Guerres Mondiales, les femmes, elles, étaient (entre autres) dans les usines, participant ainsi de manière décisive à l’effort de guerre. Mais, qu’elle est l’origine de cette décision juste, égalitaire et sociale ?
La "tornade féminine" pour le Droit à l'Egalité est en marche !
UNE LUTTE POUR L’EGALITE DES SEXES DANS LE TRAVAIL QUI PREND SA SOURCE DANS UNE USINE FORD EN ANGLETERRE…
En 1968, Dagenham (dans la banlieue de Londres) est la plus grande usine automobiles d’Europe, celle du magnat Ford. Elle emploie alors 55.000 travailleurs mâles pour seulement 183 ouvrières… et produit environ 500.000 véhicules par an. Dans cette foule de Laborieux, dans cet enfer de la productivité, ces valeureuses et exemplaires femmes, couturières de leur état, affectées à l’assemblage des sièges en cuir, se soulèvent contre un patron-américain-exploiteur (un de plus !), en annonçant trois semaines de grève, car elles viennent d’être déclasser abusivement (et sans préavis). Toute honte bue leur incontournable travail, pourtant très physique (les entrepôts sont surchauffés), nécessitant patience et précision, un savoir-faire inégalé, vient d’être défini par leur patron comme « non-qualifié », alors que des hommes sans aucune qualification particulière sont au même moment mieux payés qu’elles à tous les niveaux de la production. Ce conflit aurait pu se traduire, comme d’habitude, par une petite grève sectorielle de plus, de celles que les hommes ont l’habitude de mener. Mais cette fois-ci se sont des femmes qui sont aux commandes et la méthode diffère quelque peu... Elles luttent syndicalement, certes, pour faire infléchir leur employeur, mais en plus, elles lui demandent de faire un « grand pas pour l’Humanité… », en devenant le précurseur de l’instauration dans le Monde du Travail de l’égalité parfaite des salaires entre les hommes et les femmes. Ces « Ladies » là en ont, « Gentlemen », et elles entrent même dans l’Histoire en étant les premières anglaises en grève. Elles vont jusqu’à dépoussiérer le syndicalisme, les méthodes de lutte, bousculant les préjugés, se servant des médias de l’époque, montant aux créneaux en commando très sexy négocier sans faillir leurs Droits. Et, au fur et à mesure que le mouvement prend de l’ampleur, ces travailleuses à l’honneur bafoué se muent en héroïnes prolétariennes atypiques, en butte à des syndicats majoritairement misogynes et complices de cogestion avec la direction. Ces Drôles de Dames du Social s’éveillent sans complexes, entre féminité, charme et détermination, à une vraie conscience politique, plus large et active. Elles s’érigent en rempart contre l’injustice immorale que constitue l’inégalité salariale hommes-femmes, portant avec un panache fleuri et par solidarité leur lutte au niveau national et pour tous les secteurs de l’Economie. Et tel un grain de sable enrayant les rouages de la plus huilée, de la plus titanesque, des entreprises de Vulcain, ces frêles, mais fermes, couturières aux doigts de fées, au savoir-faire unique, qui n’ont décidément pas le doigt sur la couture (du pantalon… euh pardon, du siège…), se transforment en piquet de grève inflexible, tout sourire en avant, mini-jupe, talon aiguille et décolleté au vent, bloquant l’ensemble de la chaine de montage, menaçant de chômage technique les petits hommes devenus frileux pour l’occasion (et dont très peu les soutiennent). Elles font même perdre la face au géant capitalistique Ford qui à chaque minute de grève voit s’envoler des milliers de Dollars de profit… et qui commence dès que sa bourse, pourtant pleine à milliards, se vide, à s’inquiéter sérieusement, depuis son siège américain (sa tour d’ivoire), pour ses intérêts financiers transfrontaliers… Ces jolis petits minois font céder la plus grande multinationale au Monde, de l’époque, avec brio, celui des Justes ! Et ce, avec un petit coup de pouce de la première femme ministre de l’histoire anglaise, Barbara Castle, Secrétaire d’Etat travailliste à l’Emploi et à la Productivité que les Anglais ont immortalisé sous le surnom de « Battling Barbara », et qui suite à une rencontre avec les ouvrières de Dagenham, dans un premier temps leur obtint 90% du salaire des hommes, pour finalement deux ans après instituer l’« Equal Pay Act », le premier pas vers l’égalité homme-femme au travail.
UN FILM RELATE CETTE FRESQUE SOCIALE AU FEMININ
« We Want Sex Equality » (titre original « Made in Dagenham ») est un drame historique très British, de 113 mn, ayant remporté trois prix au festival de Dinard (le Hitchcock d'Or, le prix du meilleur scénario, ainsi que le prix du public), sorti au cinéma en France le 9 mars 2011, réalisé par Nigel Cole (dont le précédent film s’intitulait « Calendar Girl »), avec dans les rôles principaux : Sally Hawkins (incarnant une Rita O’Grady plus que convaincante), Bob Hoskins (Albert, un des très rares syndicalistes qui aide les femmes en hommage à sa maman qui fut exploitée au travail), Rosamund Pike (Lisa Hopkins, la femme d’un responsable de Ford qui lutte aux côtés de nos ouvrières), Miranda Richardson (Barbara Castle, la Secrétaire d’Etat à l’Emploi), etc.
Ce conte social met en scène des Prolos hors du commun, comme savent si bien le faire nos amis Britishs, à l’image de « The Full Monty » ou « Les Virtuoses ». Cet épisode important de l’Histoire des mouvements sociaux en Angleterre est dépeint de façon magistrale par un Nigel Cole qui compose, là, une comédie sociale printanière, échevelée, sentant bon le 1er Mai, le Temps des Cerises ! Cette joyeuse bande de filles insouciantes, aux vêtements légers multicolores, tourbillonne tel une tornade de « Swinging Sixties », bousculant tout sur son passage, et notamment, la rigueur des « Sixties », héritée de l’avant-guerre, maintenant comme un archaïsme sadique le châtiment corporel dans les écoles… Mai 68 n’est plus très loin… Cette réalisation sans compromissions symbolise à merveille la camaraderie féminine, sans éluder les difficultés d’une lutte « trop » prématurée aux yeux de collègues « trop » mâles. Et oui, le machisme ne vient pas que du patronat ! On se laisse emporter par l'énergie positive, créative et communicative de ces femmes magiciennes brisant les digues de l’intolérance, rappelant aux Françaises qu'en France, malgré l’article L3221-2 du Code du Travail, imposant l’égalité salariale, le salaire féminin à temps complet dans le secteur privé (puisque les indices de l’Administration sont asexués) est en moyenne de 27% inférieur à celui des hommes ; l'écart dépassant les 30% chez les cadres. (Et que... dans la vie de tous les jours, elles se coltinent 80% des tâches ménagères, sont quasiment absentes des conseils d'administration des grandes boîtes, et "peuplent" l'Assemblée Nationale "à hauteur" de 18,5% seulement...) Une injustice qui selon l’actuel et vierge marie Gouvernement Français devait disparaître en 2010… Un pavé de plus, mais de dentelle celui-là, à balancer dans la gueule des profiteurs de tous poils à la prochaine manif, voire à la prochaine... révolution !
© Jean Dorval pour LTC Kinéma, le 19 mars 2011.
Sources documentaires :
http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/femmes/citoyen...
http://www.tripalium.com/gazette/Gazette2008/RPGE25/farc....
03:34 Publié dans LTC KINEMA | Lien permanent | Tags : égalité hommesfemmes, à travail égal salaire égal, eqaul pay act, battling barbara, barbara castle, droit des femmes, jean dorval pour ltc kinéma, cinéma, centre pompidou-metz, rouyaume-uni, ford, we want sex equality le film, usine ford, dagenham, nigel cole, sally hawkins, bob hoskins | Facebook |