Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

20/06/2013

LES BEST OF JD : C'ETAIT HIER... « VISITE PRINCIERE POUR LES 250 ANS DE LA PLACE ROYALE A NANCY. »

gravure-place-Stan.jpg

© Photo ci-dessus (la Place-Royale de Nancy) : archives.cg54.fr

 

La Place STAN de Nancy tient une place très importante dans le cœur des Lorraines et des Lorrains, c’est pourquoi LTC vous propose un article de JD sur son inauguration (suite à sa restauration) en 2005 paru dans feu la Revue Lorraine Populaire de Jean-Marie Cuny… A lire aussi, dans la foulée, l’interview conjointe de S.A.R. le Prince de Bourbon-Parme et de M. Jacques Charles-Gaffiot.

Depuis le mois de décembre 2004, et tout au long de l'année 2005, de nombreux événements ont commémoré les 250 ans de la Place-Royale, joyau baroque nancéen, ayant fait récemment peau neuve ; inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'Humanité par l'Unesco, depuis décembre 1983, car son « intérêt est considéré comme exceptionnel et sa valeur comme universelle ». Sa dernière rénovation remonte à 1958. Ce chef-d’œuvre urbain, aux divines proportions, est solennellement inaugurée le 26 novembre 1755, aux cris de « Vive le Roy ! » De nombreuses festivités ont lieu, ce jour là, dont la distribution d’argent au peuple. Le parti philosophique et la troupe de tous les plaisirs ne peuvent s’empêcher de manifester leur opposition. A l’écart, rue Saint-Dizier, en dessous de la statue du Duc Léopold, les patriotes lorrains, à l’initiative du libraire Nicolas, chantaient des chants patriotiques lorrains.

Le 26 novembre dernier, jour anniversaire de sa dédicace, dans les Grands Salons de l’Hôtel de Ville, devant un parterre de plus de 300 personnes, dont son S.A.R. le Prince Charles-Emmanuel de Bourbon-Parme, Jacques Charles-Gaffiot a donné une conférence, sous l’égide de l’association Présence du Souvenir Bourbonien en Lorraine, sur le thème : « la Place-Royale de Nancy, un hommage d’un beau-père à la gloire de son gendre ». Un message de Monseigneur le Prince Louis de Bourbon, Duc d’Anjou (Louis XX), a été lu à cette occasion.

Stanislas_Leczinski.jpg

© Photo ci-dessus (Stanislas) : stansurseine.blogspot.com

A n’en pas douter, le destin de Stanislas Leszczynski relève de l’extraordinaire. Deux fois roi de Pologne, deux fois déchu, puis duc de Lorraine et de Bar, beau-père de Louis XV, cultivé, amoureux des arts et des sciences, profondément croyant, ami des philosophes (notamment de Voltaire… ), bon vivant ; il est cependant froidement accueilli en Lorraine, que son gendre lui a confié en viager. Pourtant, les trente années de son règne témoigneront d’une entreprise grandiose et éclairée. Véritable bâtisseur, avec son architecte Emmanuel Héré, disciple de Boffrand, il fait de sa cour et de ses châteaux des creusets culturels brillants, dont on parle dans toutes les cours et salons d'Europe. Le château de Lunéville ne passe-t-il pas pour le « Versailles lorrain » ? Entre autres réalisations, il fait construire une Place-Royale à Nancy, destinée à honorer et glorifier son gendre, Louis XV, Roi de France. 

place_royale_meridionale.jpg

© Photo ci-dessus (la Place-Royale) : pagesperso-orange.fr

 

LE NOMBRE D’OR POUR HONORER LA MAJESTE ROYALE !

Une Place-Royale par sa perfection, son esthétisme, glorifie le personnage du Roi donné ainsi, dans un équilibre parfait, à l’admiration de ses sujets. Elle symbolise l’absolutisme au cœur de la ville, espace architectural de grande ampleur, point de convergence, où l’on érige, en position centrale, une statue équestre ou pédestre, en bronze. Sous le règne de Louis XIV, on s’inspire du modèle italien ; Rome et la place du Capitole, où trône la statue équestre de Marc-Aurèle ; et Florence, avec la statue équestre de Cosme 1er de Médicis, place de la Seigneurie. La première Place-Royale française voit le jour à Paris en 1685 : la place des Victoires (avec une statue pédestre) ; puis en 1699, la place Vendôme (avec une statue équestre). Le Roi y est représenté comme un empereur romain victorieux de retour de campagne. A l’inverse, sous Louis XV, la notion de Place-Royale est revêtue d’une nouvelle signification, héritage du « Siècle des Lumières ». On donne au Roi une posture plus humaine, plus proche du peuple, des réalités ; à Rouen, il est accompagné d’une statue de penseur.

LA MUTATION GENIALE D’UN CENTRE DE VILLE

A Nancy, jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, une vaste esplanade sépare la Ville-Vieille de la Ville-Neuve. Stanislas Leszczynski choisit ce lieu idéal afin d’établir celle qui deviendra la première de toutes les Places-Royales françaises, par son équilibre et sa beauté. Sacralisant le pouvoir royal, tout en permettant les festivités populaires, ce véritable forum est avant tout un lieu où le peuple et le souverain communient dans un esprit d’abondance et de paix retrouvée. La transparence des grilles de Jean Lamour dont se pare l’ouverture de chaque axe qui converge vers la place renforce cette idée. L'intendant Alliot finance ce grand chantier avec les seuls deniers de Stanislas. Louis XV n’y participe pas, il écrit juste à son beau-père qu’il est honoré.

Longtemps, le maréchal de Belle-Isle, représentant de Louis XV, responsable militaire de la place forte de Metz, fait opposition à ce projet qui porte atteinte aux ouvrages militaires. Cependant, les autorisations de commencer les travaux sont accordées par René-Louis, marquis d'Argenson, ministre de la Guerre. Aussi, en mars 1752, est donc officiellement posée la première pierre. Emmanuel Héré construit, autour d’un quadrilatère spacieux, des pavillons de même ordonnance classique, rythmés par le jeu d'un ordre colossal ; au sud, la grande façade du palais (le futur Hôtel de Ville) ornée des armes de Stanislas et du blason de la Ville de Nancy ; à l'est, le pavillon de l'Intendant Alliot et l’Hôtel des Fermes, respectivement de nos jours, le Grand Hôtel et l'Opéra de Nancy et de Lorraine ; à l'ouest le pavillon Jacquet et le Collège de Médecine (actuel Musée des Beaux-Arts) ; au nord, là où se dressait la courtine unissant les bastions de Vaudémont et d'Haussonville, des « basses faces » limitées au seul premier niveau des autres pavillons, pour raison de défense militaire.

place-stanislas-nancy.jpg

© Photo ci-dessus (la Place STAN) : discover-eu.com

 

Stanislas envisage de faire communiquer la Place-Royale avec la place de la Carrière. Il fait alors construire un arc de triomphe s’inspirant de celui de Constantin°Ier, le Grand, édifié à Rome entre 312 et 315, pour commémorer la victoire de l'empereur sur Maxence, au pont Milvius en 312. Ce modèle antique, aux colonnes corinthiennes et médaillons circulaires, ne représente plus la soumission des peuples barbares et des esclaves mais la paix retrouvée ; ainsi, à Nancy, élève-t-on un « arc de la paix », de plus petite taille, juste harmonisation entre l’esthétique de la Rome antique et la thématique moderne de la « Pax Romana ». Louis XV, n’est-il pas l’instigateur de la Paix de Vienne de 1737 ? N’a-t-il pas renoncé, en position de force, à annexer la Hollande en signant la paix d’Aix-la-Chapelle en 1748 ? En préservant l’Europe d’un embrasement général, il devient son pacificateur. Les inscriptions immortalisent ce rôle important : « Au Prince pacifique, au Prince victorieux. » D’autre part, son beau-père rend hommage à la grandeur de ce sacrifice, en sommant le faîte de cet ouvrage par un médaillon représentant Louis XV soutenu par des Victoires ailées. En complément, les façades de la Place-Royale, les grilles des fontaines, les potences des lanternes se trouvent pavoisées des symboles royaux et ducaux : fleurs de lys, coq gaulois, lauriers, soleil rayonnant d’Apollon, jusqu’à la teinte bleu roi des ferronneries… Les grilles forgées, qui relient les bâtiments les uns aux autres, sont l’œuvre de Jean Lamour (1698-1771). Par leur forme et leurs décors, elles témoignent, avec les fontaines d'Amphitrite et de Neptune réalisées par le sculpteur Barthélemy Guibal (1699-1757), de l'art rocaille.

En position centrale, s'élevait une statue de bronze(2), représentant Louis XV vêtu à l'antique, le regard tourné vers la France, dans une attitude marquant la fin des conflits, l’abnégation du général victorieux ! Véritable source d’abondance et d’équilibre, serein, rayonnant, il symbolise une force positive, entouré des vertus cardinales : la Prudence, la Justice, la Force et la Tempérance. Cette statue (dont la maquette est au Musée Lorrain) et ses allégories sont détruites à la Révolution en 1793. La Place-Royale devient alors la place de la République. On y installe une colonne surmontée d’un bonnet phrygien ; puis sous le Premier Empire, un monument surmonté d’un aigle impérial. Finalement en 1831, la place est baptisée place Stanislas et on inaugure une nouvelle statue, représentant Stanislas(3).

 

INTERVIEW CONJOINTE DE S.A.R. LE PRINCE DE BOURBON-PARME ET DE M. JACQUES CHARLES-GAFFIOT

 

IMG_0005.JPG
S.A.R. LE PRINCE DE BOURBON-PARME (à droite)
ET M. JACQUES CHARLES-GAFFIOT (à gauche)
(Sur la Place-Royale)
© Photo ci-dessus : Jean Dorval 2005
 
 
 

Descendant le plus direct de Stanislas, Monseigneur vous êtes né, à Paris, le 03 juin 1961. Vous épousez à Dampierre dans les Yvelines, le 25 mai 1991, Mademoiselle Constance de Ravinel (née le 18 juillet 1971 et d’origine lorraine), avec qui vous avez 4 enfants. Votre petite dernière est prénommée Zita, en l’honneur de sa grande tante, l'impératrice d’Autriche (de Lorraine-Habsbourg), reine de Hongrie, décédée en 1989. En tant que Bourbon, vous êtes cousin de toutes les familles royales d’Europe. D’ailleurs, votre cousin, Monseigneur le Prince Louis de Bourbon, Duc d’Anjou, aîné et Chef de la Maison de Bourbon, est aussi le parrain d’un de vos enfants. Vous travaillez dans la finance et l’agroalimentaire, avez vécu plusieurs années aux Etats-Unis d’Amérique, il y a une décennie. Membre de l’Institut de la Maison de Bourbon et Président d’honneur du Mémorial de France à Saint-Denis, vous vous êtes fortement impliqué dans les cérémonies célébrées à la cathédrale-basilique de Saint-Denis, le 8 juin 2004, à l’occasion de la déposition solennelle du cœur de Louis XVII dans la crypte des Bourbon.

Quant à vous, Monsieur Jacques Charles-Gaffiot, votre ancêtre, Félix Gaffiot, est le célèbre créateur du dictionnaire latin-français Le grand Gaffiot. Vous êtes historien spécialisé dans le XVIIIe siècle, écrivain, ancien directeur du Centre Culturel du Panthéon, brillant conférencier. Lorrain d'adoption, vous effectuez toute votre scolarité à Lunéville, à l'ombre du parc du château de Boffrand. Membre actif de différentes associations, comme La Demeure historique, les Vieilles Maisons françaises ou le Cercle du Patrimoine ; vous avez réalisé, depuis 1986, plus d'une trentaine d'expositions d'envergure présentées à Paris, Rome, Saint-Pétersbourg ou Turin. Vous publiez autant d’ouvrages et, entre autres, en 2001 Moi, Zénobie reine de Palmyre ; en 2003, Lunéville : Fastes du Versailles lorrain en collaboration avec S.A.I. et R. Otto de Lorraine Habsbourg et pour la préface M. Jean-Jacques Aillagon ; puis Lunéville Fastes du Versailles lorrain : Tome 2, Décors intérieurs, mobilier, objets d’art. Cet ouvrage récent est sorti en février 2006.

120px-Pavillon_royal_de_France_svg.png

QUESTIONS/REPONSES :

1) RLP : Quelles sont les circonstances, qui selon vous, permettraient à Monseigneur le Prince Louis de Bourbon, Duc d’Anjou, Chef de la Maison de Bourbon, d’accéder au trône de France ?

S.A.R. : Mon cousin ne pourra accéder au trône de France que dans le cadre d’une Restauration. La condition première est d’accentuer sa présence dans notre pays. Vu la situation actuelle, tant sociale qu’économique, cette question est d’avenir. Tout reste possible ! Ceci étant dit, j’ai d’autres cousins en France qui sont sur le devant de scène. Le privilège d’avoir une arrière-grand-mère, née Marie d’Orléans, Princesse de Danemark, me permet d’être à l’aise avec tout le monde. Je pense que pour rétablir une monarchie, il y a encore beaucoup de travail de terrain à faire ; bien que, j’ai le sentiment, qu’en France, il y ait de plus en plus de royalistes.

Quand je vois comment, récemment, mon cousin le roi Siméon II de Bulgarie (né le 16 juin 1937 à Sofia) s’est démené chez lui pour reprendre le pouvoir, je trouve cela tout à fait épatant. Il a été le dernier tsar des Bulgares de 1943 à 1946, puis Premier ministre de Bulgarie de 2001 à 2005. Il est le seul monarque de l'histoire à retrouver un pouvoir politique après une élection démocratique, dans une fonction différente (comme Norodom Sihanouk dont la carrière est similaire). Comment faut-il l’appeler ? « Sa majesté le Premier ministre » ? J’admire sa démarche. Le roi d’Espagne, don Juan Carlos de Bourbon, a emprunté un tout autre chemin. Il a pu reprendre les rênes de son pays et en faire ce qu’il est aujourd’hui, en l’espace de trente ans ; grâce à Franco, qui le désigna en 1969 comme son successeur. Puis, en parallèle, on remarque que dans l’Union Européenne, il y a encore plusieurs monarchies, ce qui, à mon sens, est un signe de vitalité, de continuité. Je pense également qu’en lisant la presse, on se rend compte que les français sont orphelins de la royauté. Ils s’intéressent à ce qui se passe chez les Grimaldi, les Windsor… Ils vont finalement chercher ailleurs ce qu’ils n’ont plus chez eux. Il y a diverses pistes qui pourraient faire basculer la France vers la monarchie. La crise des institutions politiques prouvent finalement que la situation pourrait nous être favorable très rapidement. Nous ne sommes pas dans le meilleur des systèmes actuellement. L’avenir nous dira si j’avais raison.

 

IMG_0007.JPG
S.A.R. LE PRINCE DE BOURBON-PARME
(Hôtel de Ville de Nancy-Grands Escaliers)
© Photo ci-dessus : Jean Dorval 2005
 
 
 

J. C-G. : Reprenant l’idée du prince, je pense que les Français cherchent un arbitre. En ce sens, on peut considérer qu’un monarque, par nature, puisqu’il n’est pas élu, est le meilleur arbitre possible ! La véritable difficulté consiste à trouver l’homme qui incarnera le mieux cet idéal.

S.A.R. : Dans l’actualité récente, on pensera aussi au malaise, à propos des origines chrétiennes de l’Europe. Une polémique injustifiée, au moment de la rédaction de la constitution européenne, a d’ailleurs débouché sur un rejet lors d’un référendum d’initiative populaire. Je suis particulièrement attaché aux valeurs millénaires de la France et de l’Europe. D’autre part, Monsieur Jacques Charles-Gaffiot parlait à juste titre du rôle d’arbitre qui s’impose à un Roi ; tel Saint-Louis rendant la justice sous son chêne. La monarchie joue effectivement un rôle supérieur, au dessus de la mêlée partisane. Elle est d’inspiration divine et au service du peuple.

En France, il y a un de nombreux partis politiques allant d’un extrême à l’autre. Chaque programme défend de bonnes comme de mauvaises idées. Le régime politique actuel apporte la preuve de son inefficacité en générant une politique partisane. On ne légifère pas pour le bien collectif, mais pour plaire à un électorat ou défendre de petits intérêts. Au gré des alternances politiques, un temps certain est perdu. On s’amuse à défaire ce que les prédécesseurs ont instauré, réduisant ainsi à néant les intérêts légitimes du pays.

drapeau lorraine 3.gif

© Image ci-dessus : http://www.drapazur.com/

 

2) RLP : Suite à la restauration de la Place Stanislas, n’aurait-il pas été plus judicieux de la part de la Municipalité de Nancy d’y replacer la statue de Louis XV (dont la maquette se trouve toujours au Musée Lorrain), et qui fut abattue lors de la Révolution française, en lieu et place de celle de Stanislas ?

S.A.R. : Je fais halte à Nancy pour la première fois. Aussi, il revient à ma mémoire le récit que m’a fait mon père du mariage de son cousin Otto de Lorraine-Habsbourg. Ce que j’ai vu ce soir de la Cité des Ducs m’enchante. La Place-Royale est une des plus belles places de France, voire la plus belle ; surtout de nuit avec ses éclairages et féeries lumineuses de Noël. Elle est d’une proportion divine qui met en valeur ses dorures, fontaines, sculptures, ferronneries… A n’en pas douter, une statue de Louis XV trouverait dans ce lieu magique naturellement toute sa place.

J. C-G. : Ce sera l’objet de la conférence de tout à l’heure. Il y a du pour et du contre. Effectivement, du côté du « contre », on peut rappeler que de son vivant Stanislas avait demandé à ne jamais être statufié. Par conséquent, cette statue contrevient à ses dispositions, non pas testamentaires, mais à son « testament spirituel ». Par ailleurs, il faut se souvenir de la signification et du sens particulier d’une Place-Royale. Cet exercice architectural, inventé par l’art français, résulte de la juxtaposition de deux monuments distincts mais complémentaires : une statue de bronze (équestre ou pédestre) représentant le Roi, placée au centre d’un écrin monumental qui lui est proportionné et conçu à ce seul effet. Cela suppose donc une concomitance entre ces deux éléments. Supprimez l’un d’entre eux, et nous ne sommes plus dans le cadre d’une Place-Royale, mais en présence d’une simple place, superbe certes, comme celle de Nancy ; car l’harmonie spirituelle y a été rompue.

3) RLP : Stanislas, placé sur le trône de Lorraine par Louis XV, est considéré comme un usurpateur par les lorrains. Quel est votre sentiment à ce sujet ?

J. C-G. : C’est une question qui se règle par elle-même en 1737, lorsque Stanislas arrive en Lorraine. Les Lorrains n’acceptent pas sa présence. On lui tourne le dos. Et bien contre vents et marées, il opère un merveilleux redressement, sur quelques années, et pour lequel, de nos jours, les Lorrains ont encore beaucoup d’estime. On a souvent tendance à oublier la continuité de l’Histoire, malgré les aléas de la politique internationale, puisque le successeur de Louis XV, le dauphin Louis-Auguste (futur Louis XVI) se marie, en 1770, avec une fille des Césars, petite-fille du Duc Léopold, Marie-Antoinette. Les Lorrains pouvaient voir, à juste titre, en elle, une noble descendante de Gérard d’Alsace. D’ailleurs, si son fils, Louis XVII, avait régné, celui-ci aurait été autant Lorrain que Français.

4) RLP : Pour ses 250 ans la Place Stanislas fait peau neuve. Que pensez-vous de la rénovation de ce patrimoine lorrain et mondial classé par l’Unesco ?

S.A.R. : Je suis toujours pour ce qui promeut une Restauration de la Royauté et permet aux Français de pouvoir se rattacher à leurs racines. Comme je le disais au cours d’une réponse précédente, les Français sont orphelins de l’Ancien Régime. On le voit bien dans les livres d’école, « à partir de 1789, les Français sont heureux… » Quid de la civilisation millénaire qui a précédé cette année fatidique ? Valoriser ce patrimoine français redonne des fondements censés à l’histoire de France et aux Français.

J. C-G. : On ne peut que se réjouir de cette métamorphose opérée, grâce à la Ville de Nancy, qui a fait là, véritablement un travail exceptionnel dans ce réaménagement. Classer ce patrimoine lorrain au patrimoine mondial est une très heureuse idée. Cette place ne représente pas seulement un art de vivre, un style architectural, elle est de même emblématique du Siècle de Louis XV, qualifié également de « Siècle des Lumières ». Les deux notions s’interpénètrent. Il est difficile, en Histoire, de faire des ruptures aussi tranchées. L’excellence de cet exemple montre la prédominance artistique de la France, dans ce milieu du XVIIIe siècle, qui est vraiment comme disait le poète Joachim du Bellay (1522-1560) : « la mère des Arts, des Armes et des Lois. » (1)

 

 

Otto_von_Habsburg_Belvedere_1998_c.jpg

© Photo ci-dessus (S.A.I. et R., l’Archiduc Otto de Lorraine Habsbourg) : yannsinclair.over-blog.com

 

5) RLP : S.A.I. et R., l’Archiduc Otto de Lorraine Habsbourg au cours d’une conférence à Nancy a dit : « La Lorraine a connu de multiples formes de souveraineté, de la Lotharingie à nos jours. Elle a vécu sous un nombre de drapeaux et néanmoins, elle est toujours restée la même. Elle a gardé son individualité, alors que d’autres villes et provinces l’ont perdue. Et surtout, elle a su harmoniser ses loyautés ; elle respectait sa tradition sans être infidèle à son présent. La Lorraine est une force d’intégration – c’est ce que ressentent les Lorrains qui, séparés depuis des siècles de la terre ancestrale, néanmoins lui gardent un souvenir fidèle qu’aucun événement ne peut détruire. C’est là un facteur qui crée des liens dont nous avons besoin alors que se poursuit pour nous la belle aventure européenne, qui donne son sens véritable aux sacrifices que ma génération a endurés et qui, en rétrospective, nous prouvent que rien n’est vain – et c’est nous qui sommes appelés à forger notre destinée. » Etes-vous d’accord avec ce point de vue ?

S.A.R. : Il est vrai que la Lorraine a souffert durant son histoire, mais elle en est toujours ressortie grandie. Elle a souvent changé de drapeaux, subie de nombreuses et longues guerres (guerre de Trente-Ans, guerre de 1870-1871, les Première et Seconde Guerres mondiales… ) où elle s’est retrouvée aux premières loges ; a eu une croissance économique, sans pareil, avec la sidérurgie, l’exploitation minière du charbon et du fer, ainsi qu’une agriculture dynamique. Aujourd’hui, si cet empire s’est effondré, le caractère trempé des Lorrains, tout comme celui des Alsaciens, l’a conduite à redresser la tête fièrement pour relever de nouveaux défis, avec l’arrivée du TGV-Est ou de l’industrie spatiale. C’est une des rares région de France, dont la richesse culturelle, issue de ses racines multiples et de la civilisation rhénane, est restée un atout.

YWCG46CAS7IX66CAWVG7ZBCAVU3DC6CANUVTBXCA7UI5MVCA4SO3O0CASODDS5CA3IYICECA869GL0CAT8D7XZCAJUZYJGCAHNA79TCA5NNXYRCAZFHEIGCAUIODF2CAO8K7XACAPWGG7WCAS0V9WBCALTSVEV.jpg

En tant que véritable trait d’union européen, la Lorraine a su tirer partie de toutes ces péripéties en prenant le meilleur de chacun. D’ailleurs, une des résultantes de cette formidable alchimie, n’est-elle pas un système de sécurité social excédentaire, en vigueur en Alsace-Moselle, et relevant du droit local ? Ce dernier devrait être généralisé à la France entière pour le bien de tous !

J. C-G. : C’est difficile de compléter ce qu’a dit l’Archiduc, il a fait le tour de la question. On ne peut être que d’accord avec ce qui a été dit. Cette fidélité des Lorrains s’inscrit dans le sang, comme dans le sol. Cela dit, cet enracinement se fait parfois au détriment d’une ouverture et d’une acceptation de ce qui peut venir d’une province voisine, voire de Paris. Les valeurs de la Lorraine sont liées à une notion très profonde de la fidélité qui fait l’essence même de cette nation.

© Jean Dorval, le 01/12/05, pour LTC Grand Reportage.

visite princière pour les 250 ans de la place royale à nancy,revue lorraine populaire de jean-marie cuny,rlp,jmc,jean-marie cuny,interview conjointe de s.a.r. le prince de bourbon-parme et de m,place royale,place stan,place stanislas,jean dorval pour ltc

 

 

 

 

 

 

 

Notes :

(1) Extrait du recueil « Les regrets »

(2) œuvre des sculpteurs Barthélemy Guibal et Paul-Louis Cyfflé (1724-1806)

(3) oeuvre de Jacquot, « prix de Rome »

Biographie :

1) « Week-end « Stanislas » à Nancy », article de Monique Raux, paru dans Le Monde, du 07/06/05

2) la conférence donnée par Monsieur Jacques Charles-Gaffiot à Nancy le 26 novembre 2005

3) les sites : http://encyclopedie.octopuce.qc.ca/ et http://www.ot-nancy.fr/

 

31/07/2009

LOUIS XV SURNOMME ROI "BIEN-AIME" DES FRANCAIS EN L'EGLISE NOTRE-DAME DE METZ...

essai.JPG

© Photo ci-dessus : mairie-metz.fr

essai.JPG
 
essai.JPG
LOUIS XV le Bien-Aimé
(né le 15 février 1710, mort le 10 mai 1774)
Roi de France : règne 1715-1774
Partie 3/7

Deux petits-fils de Fouquet, ambitieux, avec un esprit romanesque, réchauffaient l'esprit militaire par des intrigues, des déclamations et des promesses fastueuses. Ils n'avaient déjà que trop pris d'ascendant sur l'esprit du monarque, lorsqu'à la fin de l'année 1740 la mort de l'empereur Charles VI vint exciter l'ambition de plusieurs cabinets, pour le partage de la succession d'Autriche. L'empereur ne laissait qu'une fille, Marie-Thérèse, mariée depuis quelque temps au duc de Lorraine. Chartes VI, en prévoyant sa fin, n'avait occupé ses dernières années qu'à obtenir des principales puissances une garantie solennelle qu'elles laisseraient sa fille recueillir tout son héritage.

Cette considération avait dicté la paix de Vienne, si avantageuse pour la France. Le cardinal de Fleury voulait rester fidèle à la foi des traités, et plaidait pour l'auguste orpheline, au nom de l'honneur, de la justice et même de la prudence. Louis fut, pour la première fois, indocile aux vœux de son sage instituteur ; il écouta le comte de Belle-Isle, oublia les conseils que son bisaïeul lui avait donnés au lit de la mort, et bientôt entreprit une guerre beaucoup plus injuste que toutes celles qui avaient troublés la conscience de Louis XIV.

Le roi de Prusse, Frédéric II, s'était déclaré le premier par la conquête de la Silésie. La France favorisa son ambition et celle de l'électeur de Bavière, qui, pour son malheur, fut élevé à l'empire. Nos armées s'avancèrent jusque dans la Bohême. Le comte de Saxe et son lieutenant Chevert emportèrent la ville de Prague par un des plus brillants assauts dont nos fastes militaires fassent mention. Fleury secondait à regret ces mouvements guerriers.

On vit s'établir entre les généraux français de fatales mésintelligences ; genre de malheur et de honte qu'on avait ignoré sous les règnes absolus du cardinal de Richelieu et de Louis XIV. Le comte de Belle-Isle, provocateur de cette guerre, se vit bientôt enfermé dans la ville de Prague. Mal secouru par le maréchal de Maillebois, il prit le parti de sortir de cette ville pendant l'extrême rigueur de l'hiver. Sa petite armée éprouva d'horribles souffrances. Sur 13 000 hommes qu'il avait ramenés, 4 000 périrent ; et cependant la flatterie contemporaine compara cette retraite à celle des Dix-mille.

Bientôt il fallut évacuer la Bavière, et abandonner le malheureux électeur au juste et rigoureux châtiment de son ambition. Frédéric II ne se fit pas scrupule de trahir la cause des Français, dès qu'il put par ses négociations s'assurer la possession de la Silésie, dont la conquête lui avait coûté quatre sanglantes victoires. L'Angleterre et la Hollande s'était déclarées contre la France. On vit encore une fois des armées française et anglaise se mesurer dans l'Allemagne. Le maréchal de Noailles conduisait la première, et le roi d'Angleterre, George II, la seconde : l'indocilité du duc de Grammont, neveu du maréchal de Noailles, précipita une attaque qui rompait tous les plans du général.

L'armée française était perdue, si la maison du roi n'avait rétabli le combat en perçant quatre fois la cavalerie des vainqueurs. Cette journée de Dettingen (27 juin 1743), quoique signalée par des exploits éclatants, eut les résultats d'une défaite. Le cardinal de Fleury venait d'expirer dans le pouvoir, à l'âge de 90 ans. Louis essaya un moment de régner par lui-même, mais le cardinal ne l'avait point habitué à l'activité, au travail, et il laissa bientôt retomber un fardeau qui était trop au-dessus de ses forces. La perspective de quelques exploits guerriers paraissait le séduire, et il avait résolu de se montrer à la tête de ses armées.

C'était sa maîtresse, la duchesse de Châteauroux, qui lui avait inspiré cet amour de la gloire. Louis XV n'avait pas tout à fait attendu la mort du cardinal pour s'affranchir des devoirs du lien conjugal. Déjà, pendant la décrépitude de son instituteur, il avait aimé, mais avec quelque ombre de mystère, madame de Mailly, aînée de la maison de Nesle. Cette favorite, qui était fort loin d'offrir tous les charmes de madame de la Vallière, la rappelait au moins par la sincérité de sa tendresse.

Bientôt le roi, emporté dans ses nouveaux goûts, lui préféra une de ses sœurs, madame de Vintimille. Celle-ci ne jouit que peu de temps de son indigne triomphe : elle mourut en couche ; et Louis tourna ses regards sur la jeune sœur de ses deux maîtresses, la marquise de la Tournelle (depuis duchesse de Châteauroux). Sa beauté était éblouissante ; son esprit était aimable et vif, son caractère ambitieux ; elle croyait pouvoir se faire pardonner sa faiblesse en conduisant son amant au combat : l'un et l'autre partirent pour la Flandre ; les soldats reçurent le roi avec transport, et la favorite avec les plus durs témoignages de mépris.

Il emporta successivement les villes de Menin, Ypres, Furne, et fit célébrer ses faibles succès par autant de Te Deum. L'Alsace fut menacée ; il s'y rendit : la duchesse de Châteauroux continua de le suivre. A peine était-il arrivé à Metz, le 4 août 1744, qu'il fut atteint d'une maladie dangereuse ; toute la France reçut cette nouvelle avec saisissement : dix-sept ans de bonheur se retraçaient vivement à l'imagination du peuple ; le péril que courait Louis le rendait plus cher aux Français ; on y voyait le résultat de ses fatigues militaires.

Mais, pendant que le peuple gémissait et remplissait les églises des vœux les plus sincères, une piété justement sévère, écartant le scandale, veillait auprès du lit du roi. Avant qu'on lui administrât les derniers sacrements, on lui prescrivit de renvoyer la duchesse ; il fit ce sacrifice. La reine, le dauphin et ses sœurs, s'étaient rendus à Metz. La vue de ce jeune prince produisit sur le cœur du monarque une impression aussi fâcheuse qu'inattendue : dans les sollicitudes de la piété filiale, il crut voir l'empressement d'un successeur.

On sait quelle fut l'ivresse des Français quand ils apprirent la guérison du roi : à aucune époque la monarchie ne se produisit sous des couleurs plus aimables. On crut sentir alors que l'amour en était le principal ressort. Louis, en apprenant les transports qu'avait fait naître et que prolongeait la nouvelle de sa guérison, s'écria : « Qu'ai-je donc fait pour être aimé ainsi ? » Ce mot naïf toucha les Français. On y répondit en lui donnant (pendant le siège de Metz en 1744, ndlr) le délicieux surnom de Bien-aimé.

Il voulut illustrer son retour en prenant part à quelques travaux guerriers, et il vit la prise de Fribourg. Cependant il conservait contre les courtisans qui, durant sa maladie, lui avaient fait entendre des exhortations sévères et bannir sa maîtresse, plus de ressentiment que l'on n'en devait craindre de cette âme faible et douce. Son premier aumônier, l'évêque de Soissons, et le duc de Châtillon, gouverneur du dauphin, furent exilés : ces vengeances assuraient le triomphe de la favorite ; à peine Louis le Bien-aimé fut-il rendu aux vœux des Parisiens, qu'il céda au désir de la revoir : la duchesse de Châteauroux était malade quand elle reçut l'ordre tant désiré de reparaître devant le roi.

Soit qu'elle cédât à la vivacité de sa passion, soit quelle eût des pensées d'orgueil et de vengeance, elle ne voulut pas différer un moment si précieux : la mort suivit de près son imprudent triomphe. Louis parut plongé dans un désespoir profond, mais bientôt il ne sut plus combattre sa douleur que par l'ivresse des plaisirs. Madame Le Normant d'Étioles s'offrit à ses regards : dans les fêtes de la cour déjà depuis deux ans, elle avait essayé sur le roi le pouvoir de sa beauté, de sa coquetterie, en suivant la chasse royale dans la forêt de Senart. L'obscurité de sa naissance était un peu couverte par la brillante fortune de son mari, Le Normant d'Étioles. Des intrigues subalternes lui avaient appris l'art de subjuguer un caractère faible : elle domina le roi, sans lui inspirer une vive passion ; et son crédit surpassa bientôt celui des ministres, des courtisans les plus habiles, des généraux les plus renommés.

JD, pour LTC Histoire.

Source documentaire : Biographie de Louis XV le Bien-Aimé - Partie 1/7 - Partie 2/7 - Partie 4/7 - Partie 5/7 - Partie 6/7 - Partie 7/7 - Site : http://www.france-pittoresque.com/rois-france/louis-XV-3.htm

 

gravure-place-Stan.jpg

© Photo ci-dessus : archives.cg54.fr

 

PS : Écarté du trône de Pologne, Stanislas Leszczyński, roi de Pologne et beau-père de Louis XV car marié à Marie Leszczyńska, reçoit le duché de Lorraine, à viager, en 1737 et le gouverne en monarque éclairé, le menant à son apogée, en plein siècle des lumières. Il crée en l'honneur du roi de France une place de belles proportions (la Place-Royale) qui recevra plus tard son nom [l'actuelle Place "Stan" (comme Stanislas)]. À sa mort en 1766, le duché revient à la couronne de France.