"La Magie Oubliée" est un roman passionnant d’aventure, en cours de rédaction, dans lequel l’auteur, Matbak - un ado surdoué pour l’écriture - nous raconte les aventures, l’Histoire à rebondissements, d’Andil ; le voleur noctambule et acrobate. La magie, le surnaturel, l’émotion, les scènes d'action, les doutes, les remises en cause, la trahison, la fuite, etc. sont au rendez-vous ! Au bout du compte le lecteur est toujours surpris et se laisse guider par le fil conducteur de ce récit trépidant qui se lit à la vitesse d’une flèche qui va atteindre sa cible en plein coeur. A lire ou à relire, avec bonheur, sur LTC Lecture, le Chapitre Premier de ce topic, paru le 26 avril 2013 : Ltc Lecture/La-magie-oubliee-un-roman-genial-signe-matbak. Et dès à présent le Chapitre Deuxième… qui est un préambule incontournable, une mise en bouche supplémentaire, invitant le lecteur à connaître la suite. Moins rythmé que le Premier Chapitre, ce Deuxième Chapitre pose les jalons d'un scénario qui étonnera plus d'un lecteur. Bonne évasion ! Jean DORVAL.
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"LA MAGIE OUBLIéE."
CHAPITRE DEUXIEME
Andil sentait le vent souffler sur son visage. Il ouvrit les yeux. Il se trouvait dans une immense plaine. Il n'y avait que des fleurs et de l'herbe à perte de vue. Il n'y avait aucun relief, et pas un seul obstacle pour couper la ligne d'horizon. Une voix claire s'éleva dans son dos : "L'heure de la révélation approche."
Le voleur se retourna. C'était une femme aux longs cheveux blonds et aux grands yeux verts qui se tenait face à lui. Elle portait une robe de larges feuilles, qui scintillaient mystérieusement.
Devant ce personnage qui semblait sortir de ses plus beaux rêves, Andil demeura en admiration. Puis la phrase qu'elle avait prononcé lui revint à l'esprit.
"Quelle révélation ?"
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Elle ne répondit pas, et s'approcha. Elle semblait jeune : son visage était pur, et innocent. Mais Andil décelait dans ses yeux une grande sagesse et un âge avancé. Il était impossible d'estimer son âge avec certitude.
Elle était maintenant si proche de lui qu'il pouvait sentir son parfum délicat.
Andil s'éveilla en sursaut. Il lui arrivait de rêver que très rarement, et en général, ses rêves étaient moins énigmatiques que celui-ci.
Il se trouvait dans un lit. Le plus confortable dans lequel il ait dormi au cours de toute sa misérable existence. Il se sentait vidé de ses forces, son corps meurtri et faible lui faisait affreusement mal. Il était même incapable de bouger. Il était dans une chambre spacieuse, éclairée par une large fenêtre. Il y avait un bureau où s'entassaient bon nombre de parchemins manuscrits, et quelques étagères sur le mur, juste au-dessus, où reposaient quelques dizaines de livres.
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Andil se redressa péniblement. Il avait mal, mais constata avec surprise que les blessures internes de son épaule et sa cuisse semblaient s'être refermées. Quelqu'un avait placé des bandages sur son genou gauche et son poignet droit.
Il attendit là, en silence, en repensant à son rêve. Il n'avait jamais vu une plaine aussi vaste, et la femme lui était encore moins familière. Ce ne pouvait être que son imagination. Mais pour ce qu'elle lui avait dit, Andil ne trouvait pas d'explication satisfaisante. Cela paraissait complètement absurde.
"C'est l'heure de la révélation."
Cette phrase s'était ancrée dans son esprit, et il tentait en vain d'y répondre. Après un certain temps, Andil s'allongea de nouveau et essaya de se reposer. Il ne s'était jamais senti aussi affaibli qu'à ce moment. Et pourtant, il en avait passé, des heures sombres, dans la faim, la crasse et la solitude des mendiants.
Il s'endormit quelques minutes, et à son réveil, le rêve de la plaine était balayé par une autre question, bien plus importante, apparue parmi tant d'autres : "Où suis-je ?"
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Le voleur se trouvait dans une chambre lumineuse, une petite fenêtre ouverte laissant le soleil l’éclairer. Il y avait un bureau sur lequel s’entassaient des carnets et des parchemins manuscrits, dans un désordre total. La plume avait été laissée dans l’encrier. Le bureau fait de planches grossièrement taillées se trouvait à côté d’une étagère fixée au mur. Quelques très vieux livres y étaient rangés soigneusement. L’épaisse couche de poussière qui les recouvrait suggéra à Andil qu’ils n’avaient pas bougé d’ici depuis longtemps. Il y avait aussi un placard fait d’un bois sombre.
Andil attendit encore une heure, allongé dans le lit, sans pouvoir trouver le sommeil. Il pensait à son ancienne vie, sa vie de toujours, celle d’un mendiant et d’un cambrioleur. Il n’avait rien connu d’autre que cette vie-là. Il n’avait rien connu d’autre que Valgos. Et pourtant, il allait devoir fuir. Si jamais il se faisait capturer, qui sait ce qui pourrait lui arriver. Andil constata avec amertume qu’il n’avait pas d’autre choix que de s’échapper indéfiniment. Il ne pourrait même plus s’arrêter dans une ville pendant plus d’une semaine : le voleur était sûr que Clavilius avait les moyens de le faire poursuivre sans relâche. Et qu’il n’hésiterait pas à le faire. Angoissé par son avenir flou, Andil était plongé dans ses sombres pensées lorsqu’un homme fit irruption dans la chambre.
Il avait de courts cheveux roux, ternes, et des yeux en amandes d’un noir profond. Sa bouche fine se tordait parfois en un tic nerveux. Des rides marquaient sa peau mate. Andil ne lui aurait pas donné plus de quarante-cinq ans. Mais il était loin du compte en réalité… Les yeux intenses se plantèrent dans ceux du voleur. Cet air soupçonneux ne plaisait guère à ce dernier.
- Qui es-tu ? L’interrogea l’homme.
- Je vous retourne la question, répondit froidement Andil.
L’homme perdit soudain tout son sérieux et éclata de rire. Andil en fut stupéfait.
- Très bien mon gars, je vois que tu es une forte tête… J’aime ça, déclara t-il en reprenant son air de défi.
- Moi je ne vous aime pas tellement.
Son interrogateur sembla ignorer la remarque et resta silencieux l’espace de quelques secondes, évaluant Andil.
- Tu n’es pas vraiment bien placé pour refuser de te présenter, mon gars… Je t’offre l’hospitalité dans ma maison, dit-il en pointant le plancher du doigt. C’est la moindre des choses lorsqu’on est recueilli par un inconnu. Et tu devrais me remercier, naturellement.
Le voleur ne répondit pas. L’homme sourit et ajouta :
- Tu n’es pas très bavard, mon gars. Tant pis, je vais me présenter… Tu sembles être le genre de personne avec qui il faut faire le premier pas.
Andil lui jeta un regard meurtrier que son hôte ignora de nouveau.
- Je suis Shol, ancien Grand Mage de la cour du roi, reconverti dans l’alchimie. Ravi (Andil remarqua à quel point ce mot sortit difficilement) de te rencontrer. Et toi, qui es-tu ?
- Si vous êtes mage, répliqua sèchement Andil, vous n’avez qu’à le deviner.
Cette réponse cinglante provoqua un vaste silence. Le voleur savourait sa réplique intérieurement, tout en fixant Shol avec mépris. Le mage, quant à lui, tentait difficilement de contenir sa colère. Andil afficha un sourire moqueur.
- C’est vrai, vous n’avez qu’à utiliser votre fluide magique ou je ne sais quoi. Ne perdons pas de temps en questions futiles.
- Tu as raison, finit par dire Shol, apaisé. Ce ne sera pas nécessaire de t’interroger, mon gars, car la vérité saute aux yeux.
- Tant que ça ?
Subitement, Andil sentit le regard du mage le traverser, comme si Shol regardait au fond de son crâne. Les yeux sombres l’observaient avec une intensité croissante, qui semblait éplucher chaque couche de l’esprit même en les lisant à la vitesse de l’éclair. Andil détourna immédiatement la tête et rompit l’étrange hypnose.
Shol laissa échapper un gloussement. Le voleur afficha un air effrayé.
- Tu es un mendiant qui a toujours vécu dans la pauvreté. Tu es seul, mon gars. Absolument seul. Mais tu étais satisfait de cette vie. Un événement extrêmement récent a bouleversé tout cela. A présent tu as perdu tous tes repères et tu doutes. Je sais également que tu pratiquais une activité illégale… (Andil pâlit radicalement, et le mage lâcha un ricanement) Mais je ne sais pas laquelle, reprit-il (le voleur se détendit… un peu). Je n’ai pas eu le temps ni l’énergie de t’inspecter de A à Z, mon gars, mais c’est suffisant pour moi. Je sais que tu n’es pas mauvais.
- Comment pouvez-vous le savoir ? Je sais ce que je suis bien mieux que n’importe quel savant, devin, mage ou dieu !
Andil était furieux, son ego frappé. Comment un inconnu pouvait-il lire ses sentiments et le juger aussi facilement ?
- Ce qui importe, affirma Shol, ce n’est pas ce que tu es, mais qui tu es.
- Je ne vous suis plus, soupira Andil.
- Tu comprendras le moment voulu, mon gars, dit-il en souriant. Mes pouvoirs me permettent de sonder l’esprit d’une personne par l’intermédiaire du regard. Je lis le tempérament, les convictions les plus intimes et les sentiments. Et la cerise sur le gâteau : je peux percevoir la nature profonde des gens. Mais je sais bien que mes pouvoirs ne me révèlent pas tout au sujet de ma cible. En fait… Il existe certaines choses à ton sujet que tu ne sais pas toi-même. Ces choses là, je ne peux pas les percevoir puisque je ne peux lire seulement ce que tu sais sur toi-même.
Andil tentait de démêler les paroles de Shol, sans succès. L’homme sourit et continua :
- Bien. Quel est ton nom ?
- Je m’appelle Andil.
- Tu es prêt à m’en dire plus ? … Non ? … D’accord. Mais je te demande de répondre à deux dernières questions.
- Je vous écoute, répondit-il, agacé.
- Tout d’abord, je t’ai retrouvé à moitié mort dans ma cave. Comment es-tu arrivé là, mon gars ?
- Je n’en sais rien.
- Tu mens.
- Vous n’en savez rien.
- Dis-moi la vérité.
- Je regrette, c’est impossible.
Cette dernière phrase exprimait tout sauf du regret.
- Tu me le diras peut-être plus tard… Et sinon, la seconde question, plus importante…
Les yeux du mage se mirent à briller. Il sortit de la chambre et y rentra une poignée de secondes plus tard, un coffret entre les mains. Il s’agenouilla près du lit, et l’ouvrit sous les yeux d’Andil. Une faible lueur en sortit. Le visage du voleur se figea dans une expression d’émerveillement. Il s’agissait des étranges gants de cuir trouvés dans le maigre tunnel qui l’avait mené dans la cave de Shol.
- Qu’est-ce que c’est ? Demanda Shol.
- Je…
Andil fixa Shol avec hésitation. Une petite voix jaillit du fond de son esprit : « Pourquoi ne pas lui faire confiance ? Après tout, c’est lui qui t’a recueilli, il t’a peut-être sauvé la vie. N’est-ce pas là un gage de bienveillance ? Il est là pour t’aider, alors autant lui expliquer au moins ça. »
Andil se mit alors à lui raconter comment il s’était procuré les gants. Shol écouta avec une grande attention. Il referma ensuite le coffret d’un air solennel et le posa sur la table de chevet. Le mage expliqua à Andil que ces gants étaient ensorcelés, par un enchantement très puissant mais inconnu jusque là. En voyant les étoiles briller dans les yeux du voleur, il ajouta :
- Mais je te conseille de ne pas les enfiler. Je peux ressentir leur puissance, sans même les avoir mis. On ne sait jamais si c’est un maléfice destiné à nuire à celui qui les porte, mon gars, mieux vaut rester prudent. L’enchantement n’est pas ma spécialité. J’aurais un Maître Enchanteur à te présenter. Il pourra peut-être te dire de quoi il s’agit. Mais fais très attention ! N’en parle à personne d’autre ! C’est compris ?
- Ces gants… Ont-ils de la valeur ?
- L’argent ! (le visage de Shol devint pourpre) Toujours l’argent ! Tu ne te rends pas compte ? Ta découverte vaut peut-être bien plus que de l’argent ! … Et je te le répète, mon gars, ne dévoile rien à personne ! Ces objets pourraient attirer la convoitise des sorciers les plus dangereux.
- Très bien, répondit Andil, convaincu par le dernier argument. Je vous promets de garder l’existence de ces gants secrète.
- Tu ne devrais pas avoir de mal pour ça, vu avec quelle méfiance tu traites les gens…
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Shol expliqua à Andil qu’il avait utilisé des potions fabriquées par ses soins pour cicatriser ses blessures. Les moins graves avaient déjà disparu. Cependant, sa cheville douloureuse ne se portait pas mieux. Le blessé fut étonné de remarquer la disparition totale des plaies infligées par les flèches, même s’il sentait son épaule faible, tout comme sa cuisse. Shol avait utilisé ses meilleures potions pour accélérer la guérison, et cela avait très bien fonctionné. Mais le mage lui dévoila qu’il ne pouvait rien faire pour sa cheville, qui était cassée. L’art de l’alchimie pouvait fermer toutes les plaies, mais était inefficace sur les os brisés.
- Je peux encore tenter quelque chose, mon gars, mais c’est assez dangereux.
- Dites toujours, marmonna Andil.
- Il y a peu de temps, commença t-il en se levant pour faire les cent pas, j’ai mis au point une potion capable d’accélérer considérablement la régénération du métabolisme. Ce que j’ai utilisé pour les plaies ne concernaient que la cicatrisation, mais là, c’est ton organisme entier qui va littéralement changer de rythme, car je n’ai pas encore trouvé comment agir uniquement sur les os. Donc, tout ton corps changera après ingestion de la potion. Tes cheveux, tes ongles pousseront plus vite. Ta digestion sera plus rapide, tu devras faire tes besoins plus souvent. Et bien sûr, l’os de la cheville se reformera en trois ou quatre jours. Cela est contraignant, mais pas vraiment dangereux pour ta cheville. Ce qui m’inquiète, ajouta Shol en se tournant vers le voleur, c’est ton cœur. Le maintenir à un rythme élevé le fatiguera, et tu pourrais subir un arrêt cardiaque une fois l’effet du traitement dissipé.
- Mon cerveau sera aussi plus rapide ?
- Oui, ce médicament touche tous les organes. Tu bouges, respires, réfléchis bien plus vite, sous son effet. Mais le changement subit de rythme métabolique peut provoquer de graves séquelles… En supposant que tu survives.
- Ce n’est pas comme si j’étais fragile, déclara le blessé. Je comprends les risques, assura t-il en voyant le regard interloqué de Shol, mais je veux boire cette potion.
Le mage poussa un long soupir.
- Ce ne sera pas faute de t’avoir prévenu, mon gars.
Sur ce, il sortit de la chambre, et y entra de nouveau quelques minutes plus tard. Il tendit vers le voleur une minuscule fiole emplie d’un liquide bleuâtre. Ce dernier s’en empara d’un geste lent.
- Bois tout, j’ai dosé.
Andil hésitait. Il savait que rester chez son hôte pendant des semaines était risqué. La garde de Valgos le cherchait en ce moment même, en plus des hommes de main de Clavilius. Il estimait qu’il se passerait environ une semaine avant que tout ce monde étende ces recherches jusque chez le mage. Il n’avait pas le choix, il devait boire pour être sur pied quelques jours plus tard et prendre la fuite aussitôt. Mais pour aller où ?
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Il avala d'une gorgée le contenu de la fiole. Elle avait un goût très acide.
- Je ne sens rien… C’est normal ?
- Attends qu’elle soit digérée. Dans quelques heures, mon gars, le monde te paraîtra étrangement lent. L’effet se dissipera dans cinq jours. La malléole externe est sévèrement fracturée, d’ici là, il faut ménager ta cheville. Compris ?
- Compris. En attendant, qu’est-ce que je vais faire ?
- On discutera ensemble.
- Génial, grogna le blessé avec mécontentement.
- Je te laisse, mon gars, j’ai du travail.
Shol sortit de la pièce, et Andil se retrouva seul.
Sans qu’il puisse s’expliquer pourquoi, il trouvait son hôte sympathique. Il n’était ni très amical, ni très charismatique, mais il y avait chez lui une espèce d’aura de bienveillance. Il semblait n’être fait que de bonté et de bonnes intentions. Le fugitif avait envie de se confier à lui, mais sa méfiance habituelle avait le dessus pour le moment.
Des heures après cette conversation, il essayait vainement de trouver le sommeil, lorsqu’il sentit son corps se transformer.
Son pouls s'accéléra brutalement. Chacun de ses membres se convulsèrent violemment, il sentit une vague de chaleur secouer son être. Il avait la chair de poule, son corps entier brûlait de l’intérieur. Sa respiration devenait très rapide, il sentait sa poitrine se soulever puis s’affaisser bien trop vite. Ses jambes et ses bras se raidissaient, s’étiraient, à tel point que le voleur eu l’impression de se faire écarteler. La chaleur s’accentua, puis une violente douleur s’empara de lui, si bien qu’Andil voulu hurler. Mais avant même qu’un son ne sorte de sa bouche, cette étrange crise s’évanouit brusquement.
Tout son corps, en ébullition il y a quelques secondes de cela, retrouva son état normal en un instant. Il gisait là, étendu sur le lit, tout à fait immobile. Le voleur passa sa main sur son visage. Il se sentait bien, il n’y avait rien d’anormal. Il se demanda même si la potion avait réellement de l’effet. Il se redressa, pour s'asseoir. Les paroles de Shol lui revinrent à l’esprit. Il lança son oreiller en l’air. Celui-ci se déplaça lentement dans le vide, en tombant peu à peu. Il compta cinq secondes avant que l’oreiller ne touche le sol.
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Les deux jours qui suivirent, Andil s'ennuya fermement. Il percevait le monde d'une autre manière, comme le lui avait expliqué le mage. Tout se passait avec une lenteur exaspérante, et ainsi, la journée devenait interminable. Le moindre de ses mouvements, devenu extrêmement rapide, surprenait Shol. A l'inverse, le fugitif devait patiemment attendre que son hôte finisse chacune de ses phrases. Les plus longues d'entre elles pouvaient durer cinq minutes selon Andil. Il devait ensuite se forcer à parler lentement pour que son interlocuteur le comprenne. Malgré ses efforts, il n'était pas rare qu'il lui soit demandé de répéter moins vite. Le voleur restait presque constamment dans la chambre, et y dormait une grande partie de son temps. Lorsqu'il s'éveillait, il rêvait de l'usage qu'il pourrait faire de la potion de Shol si seulement son effet était plus court.
Il boirait, puis, trois ou quatre heures après, son corps empli d'une énergie mystérieuse s'introduirait dans une demeure vide qu'il aurait espionnée auparavant, pour y prendre tout objet de valeur. D'ordinaire, un cambriolage pouvait durer entre dix et vingt minutes, sans prendre le temps de fouiller toute la maison. Mais grâce à la potion, il pourrait la retourner dans tous les sens plusieurs fois, en crochetant toutes les serrures de la maison, sans y rester plus de quatre ou cinq minutes...
Andil avait l'habitude de préparer soigneusement chacun de ses cambriolages en rôdant autour de sa «cible». Il choisissait les plus belles demeures, celles dans lesquelles il était sûr de pouvoir trouver le meilleur butin possible. En espionnant toute une journée, il pouvait savoir qui vivait là, l'emploi du temps du maître de maison et de sa famille, de ses éventuels domestiques. Le voleur ne prenait aucun contact avec eux, il se contentait d'observer, et de noter chacun de leurs faits et gestes. Toutes ses séances d'espionnage ainsi que le cambriolage lui-même se passaient toujours le même jour. Andil évitait de choisir un Dimanche, jour pendant lequel la maison ciblée était en général constamment occupée. Il fallait tout d'abord être certain que la maison soit vide pendant qu'il passait à l'acte, et il notait soigneusement les heures les plus favorables à son crime. Il ne devait pas y avoir de témoins non plus, et il préférait choisir d'intervenir tôt le matin ou bien tard dans la nuit.
Puis, il fallait trouver l'accès le plus simple possible. Andil évitait les effractions trop flagrantes. Si on laissait une fenêtre ouverte par inadvertance, il s'y engouffrait avec plaisir, étant donné que le crochetage de la porte d'entrée pouvait prendre un temps considérable selon la serrure. Une fois à l'intérieur, il cherchait tout d'abord des coffres forts, des boîtes à bijoux, des cachettes diverses dans lesquelles se trouvaient le butin de valeur. Le cambrioleur ne pouvait en saisir énormément, car en cas de fuite forcée, toute acrobatie était impossible. Avec un sac bourré de tableaux ou d'argenterie, il serait ridiculement arrêté. L'idéal était de trouver des pierres précieuses, des pièces d'or ou des bijoux. Il remplissait un petit sac accroché à la ceinture, ou glissait ce qu'il pouvait dans ses larges bottes. Il ne prenait que peu de temps, toujours moins de vingt minutes, et repartait en s'assurant que personne ne le voyait. Plus il était discret et rapide, moins l'intervention était risquée.
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Andil éprouvait de véritables frayeurs, dans ces moments d'avides et frénétiques recherches. Le moindre bruit le faisait sursauter, malgré ses efforts pour conserver son sang-froid. Il savait pertinemment qu'un cambriolage n'était absolument jamais sûr. Malgré des semaines de préparation, de repérage. Malgré une effraction nette, sans bavure. Malgré une connaissance parfaite des lieux, de ses habitants. Malgré une discrétion, une vitesse irréprochable. Malgré une grande expérience en la matière. Malgré tout cela, il suffisait d'un imprévu – un simple détail – pour bouleverser la situation et condamner Andil. Un témoin jaillissant de nul part, un habitant s'éveillant subitement au beau milieu de la nuit. Un hasard du destin suffisait pour tout gâcher. La bête noire du cambrioleur. Une source de stress, d'angoisse perpétuelle.
Et à présent qu'il bénéficiait d'une boisson capable d'anéantir cette peur, de le rendre invulnérable, insaisissable... Il devait rester là, comme un patient faible et incapable de s'appuyer sur sa jambe gauche. Toute la journée – qui semblait en durer trois – à ne rien faire d'autre que dormir, et manger. Un calvaire qu'Andil avait du mal à supporter. Shol venait parfois prendre de ses nouvelles pendant la journée, mais ils parlaient beaucoup le soir, et dînaient ensemble.
Bientôt, Shol sut presque tout de la vie d'Andil. Elle se résumait très simplement, par une enfance passée à vagabonder dans les rues, à trouver la protection de quelques bienveillantes personnes, à en fréquenter de mauvaises. Il raconta aussi son premier amour, sa fin, son désespoir. Et la solitude, la méfiance qui l'habita. Le mage l'écoutait avec beaucoup d'attention et de compassion. Pouvoir enfin faire confiance à quelqu'un avait réellement libéré Andil d'un poids pesant sur sa conscience.
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Le soir du second jour, après la discussion mettant fin à l'histoire d'Andil, le voleur alla se coucher. Pour la première fois depuis longtemps, il se glissa sous les couvertures avec l'agréable sentiment d'avoir passé une excellente journée accompagné d'un ami. Un sourire sur le visage, il réalisa qu'il n'avait plus la moindre envie de s'enfuir une fois sa cheville guérie. Il sentait nettement qu'il ne s'écoulerait plus beaucoup de temps avant qu'elle ne se rétablisse complètement. Il avait enfin trouvé quelqu'un à qui il pouvait faire confiance, et cela arrivait maintenant qu'il était en cavale. Il savait bien que tôt ou tard, les gardes de Valgos organiseraient leurs recherches du côté de la forêt, et trouveraient la maison du mage. Si Andil était encore là à ce moment, Shol serait reconnu comme étant son complice, et condamnable au même titre que lui. Cependant, s'il devait fuir, il ne savait pas où aller. Errer seul sur les routes le ferait repérer bien trop vite. S'il s'en éloignait, il se perdrait au milieu de la nature, où il ne saurait survivre, ni se repérer. Andil se laissa bercer par le cours de ses pensées, et finit par sombrer dans le sommeil.
Il regretta plus tard de ne pas avoir agit ce soir là.
Fin du IIème Chapitre. La suite bientôt, très bientôt, dans le IIIème Chapitre !
© Matbak, le 26 avril 2014, pour LTC Lecture.
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